Édition 2022

Prix du 1er roman - Chroniques sur les 8 romans sélectionnés

Réunis le jeudi 10 février, les membres du jury du Prix du premier roman de la Ville de Limoges ont sélectionné 8 romans, en lice aujourd'hui pour le prix dont le vote final aura lieu le 24 février.
Pour faire connaissance avec ces ouvrages et donner envie de les lire, les membres du jury ont rédigé une petite chronique de leur coup de cœur!

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Ultramarins de Mariette Navarro - Quidam

Ouvrage profond, onirique et réaliste à la fois, voici le récit fort et captivant d'une commandante de vaisseau qui, un jour, ne commande plus. Ni aux éléments (jusque-là rien d'extraordinaire mais la météo est bien inattendue), ni, comme avant, à son équipage, revenu imperceptiblement modifié d'une baignade en haute mer, pourtant exceptionnellement autorisée, mais qui a cassé une rassurante routine de fer. Ni même à son fidèle cargo, qui semble désormais doté d'une volonté propre.

Ce bain - d'ailleurs non sans danger -, symbole de baptême et de renaissance, a occasionné une fêlure significative dont elle ne mesure pas tout de suite la portée. Il faut alors accepter cette mise en "panne" (quand le bateau est à l'arrêt) au milieu de nulle part, cette pause, puis la dérive qui s'ensuit comme une occasion de lâcher prise, et de tenter de répondre à toutes les questions qu'elle esquive en étant sur l'eau (à laquelle elle "appartient") depuis si longtemps.

Chronique par Marie-Hélène

 

S'en aller de Sophie d'Aubreby – Editions Inculte

Ce roman raconte la vie d'une femme, Carmen, qui a décidé, à chaque étape de sa vie, de faire des choix qui allaient à l'encontre de ce qu'on attendait d'elle, la famille, les convenances, la société.

Elle quitte une maison bourgeoise et des fiançailles arrangées pour se travestir et devenir marin sur un bateau de pêche, elle part ensuite pour l'île de Java avec Hélène, sa fidèle compagne, pour y enseigner la danse, puis il y aura la résistance pendant la 2nde Guerre Mondiale.
J'ai aimé accompagner Carmen dans sa vie et dans ses choix, vivre avec elle ces aventures, éprouver cette liberté. C'est un roman d'émancipation, qui parle des femmes, de courage, de liberté, mais il ne tombe jamais dans un militantisme rageur, il y a une discrétion, une belle pudeur et une écriture magnifique que j'admire.
Car, tant de choses sont racontées dans ces silences et ces non-dits.

Bouleversant !

Aurélie, libraire chez @Page et plume

 

Les Garçons de la cité-jardin de Dan Nisand - Les Avrils

Une famille en déshérence au cœur d’une cité-jardin de Mulhouse racontée au jour le jour par Melvil, le fils cadet, qui, à 25 ans, assume tout à la maison : son père handicapé et ses deux frères ainés à la dérive.

Un premier roman ample et ambitieux de près de 400 pages, servi par une écriture exigeante.

Il y a un peu de Nicolas Mathieu dans cette vision dure et sans espoir du Grand-Est sinistré, loin des cartes postales de l’Alsace proprette avec cigognes et Munster.

Olivier

 

Aulus de Zoé COSSON – Gallimard-L’Arbalète

Difficile de ne pas penser à M-H. Lafon en lisant Aulus ; sauf qu'il ne s'agit pas du Cantal, mais des Pyrénées ariégeoises. La narratrice y rejoint son père chaque année, dans l'hôtel délabré qu'il y a acheté. Leur relation ; des portraits juste esquissés, incisifs en même temps.

Parcourant les chemins et les rues du village, elle glane les anecdotes, en fait une chronique : celle d'une petite station thermale au cœur de la montagne toute puissante, celle de la vie d'un village qui résiste à la mort.

Un vrai travail d'orfèvre pour ciseler les souvenirs, chanter la nature menacée.

Une incursion dans un autre temps, juste traversé. Une écriture qui émeut ; un petit goût de vieillot à savourer.

Alors, laissez-vous tenter !

Laurence

 

Blizzard de Marie Vingtras – Editions de L’Olivier

Alaska. En pleine tempête de neige, un jeune garçon s'égare. Au coeur de la tourmente, une poignée d'habitants part à sa recherche.

Récit choral où les chapitres courts et incisifs nous délivrent au compte-gouttes les informations qui nous permettent de reconstruire le puzzle. Encore plus que la nature hostile en toile de fond, ce sont les tourments, la souffrance et la noirceur des personnages que l'on sonde.

Une écriture finement ciselée pour un roman efficace et addictif.

Béatrice, libraire @Anecdotes

 

Le parfum des cendres de Marie Mangez – Editions Finitude

Le parfum des cendres, véritable fragrance qui attise l’imaginaire olfactif.

Un récit singulier, bien mené et émaillé de situations amusantes. Une ode à l’éphémère et une réflexion profonde sur la porosité de la frontière entre la vie et la mort.
Je pense encore à cette interrogation : « Après tout, est-ce qu’on pouvait vraiment être vivant sans avoir accepté la part de la mort, le potentiel de mort qui traîne en soi, sans avoir, toujours en arrière-goût au fond de la bouche, une vague saveur sépulcrale ? ».
Alice, une jeune thésarde qui s’intéresse à la thanatopraxie suit de près Sylvain Bragonard, taiseux, maussade, dans la pratique du métier.
Intriguée par ce personnage, elle va essayer de déceler ce qu’il cache de mystérieux ; une complicité s’impose.

Jean Erian

 

Laissez-moi vous rejoindre de Amina DAMERDJI - Gallimard

Juste avant de mettre fin à ses jours en 1980, Haydée Santamaria, personnalité du régime castriste, raconte ses années de jeunesse marquées par son engagement anti-Batista, la préparation puis l’échec de l’insurrection armée du 26 juillet 1953. Amina Damerdji nous laisse rejoindre un groupe de jeunes gens idéalistes, avec une belle écriture qui allie sans aucune pesanteur histoire et psychologie, drames et sentiments.
Les personnages sont forts : Abel, le frère d’Haydée qu’elle admire, Boris, son fiancé, tous les deux torturés puis assassinés par la police, ses amies, ses parents et l’imposant Castro.

Femme forte mais emportée par la nostalgie et les désillusions, Haydée livre ses dernières pensées en regardant ses compatriotes fuir Cuba sur des embarcations de fortune…

Pascal

 

Mon mari de Maud Ventura – L’Iconoclaste

En apparence, tout semble parfait dans la vie de la narratrice : un époux charismatique, des enfants sages, un cadre de vie agréable et des activités professionnelles épanouissantes. Pourtant, l’amour inconditionnel qu’elle porte à son mari ne rencontre en retour qu’un attachement tiède et distant. Elle en vient alors à tenir la comptabilité précise de ses manquements à son égard, des peines qu’il lui inflige, des ruses pour le confondre autant que pour entretenir cet amour passionné.

Névrosée, obsessionnelle, paranoïaque, elle devient vite délicieusement inquiétante. Jusqu’où ira-t-elle pour garantir la pérennité de leur couple ?

Maud Ventura explore dans un style original, cynique et déroutant les sentiments amoureux d’une femme, épouse et mère et nous livre avec finesse une réflexion sur la relation conjugale.

Marie