Unis pour la vie par le hasard de la biologie, Eng et Chang Bunker ont su transformer leur malformation de naissance en un atout majeur d’ascension sociale. L’expression « frères siamois » est née de leur célébrité et du fabuleux destin qu’ils se sont forgé. En 1811, au sein d’une modeste famille de pêcheurs du royaume de Siam, In et Jun naissent reliés par le sternum. Deux frères jumeaux unis par un indéfectible lien de chair. De leur village aux plus hautes instances du pays, cette malformation congénitale les condamne à l’exclusion. Les enfants survivent pourtant grâce à l’amour d’une mère qui les élève, contre tous, comme deux garçons normaux. D’une intelligence extrême, forts et habiles, ils sont repérés par un marchand vénal, intéressé par le seul potentiel commercial de ces deux phénomènes. « Exportés » en Occident, les jumeaux sont exhibés tels des animaux de foire sur la scène de théâtres, exploités et spoliés de leurs droits. À dix-huit ans, on les rebaptise Chang et Eng. Dans la jeune Amérique et sur le vieux continent, le public et la communauté scientifique se pressent pour voir les frères siamois de leurs propres yeux. Prodigieux pour les uns, monstrueux pour les autres, Chang et Eng luttent contre les discriminations et l’obscurantisme d’une société dans laquelle ils n’ont dans le même temps de cesse de s’élever. Autodidactes cultivés, maîtrisant l’anglais et les sciences humaines, reçus dans les cercles de la haute société, ils parviennent à s’émanciper et choisissent de continuer à s’exhiber, pour leur propre compte. En quelques années, ils font fortune, achètent des terres et s’établissent dans le Sud des États,Unis comme planteurs de tabac. C’est là qu’ils tombent amoureux et épousent deux sœurs anticonformistes, Adélaïde et Sarah Yates. Ensemble, ils surmontent l’hostilité de la société bien,pensante à l’égard de ce mariage à quatre. Chang et Adélaïde auront onze enfants, Eng et Sarah, dix. Malgré leurs divergences et les conflits surgis au cours de leur existence, Chang et Eng n’auront d’autre choix que de faire preuve de solidarité. Mais à soixante ans, leurs désaccords seront tels qu’ils envisageront, pour la première fois, de procéder à une séparation physique. Au risque de perdre la vie.
Laurent Benegui est l’auteur d’une quinzaine de romans, dont Retour à Cuba, La Paresse de Dieu (Grand prix de littérature policière), Mon pire ennemi est sous mon chapeau (Prix Albert Bichot), La Part des Anges (Prix de l’académie Rabelais), Au Petit Marguery et SMS, tous deux adaptés au cinéma.
©Charlotte Krebs