L’histoire est celle d’Émile, la soixantaine, qui s’occupe des funérailles de son père et se souvient de son enfance terrorisée par la figure patriarcale.
Profession du père est le roman le plus secret et le plus autobiographique du reporter de guerre Sorj Chalandon.
Ici, il s’agit de raconter une guerre sournoise contre la peur du père, et la quête d’une paix intime face au chagrin et à l’amertume d’une relation manquée.
Il fallait un dessin simple mais accompli pour mettre en scène la violence d’un huis-clos familial, dense et tortueux. Le dessin est en noir et blanc, la ligne est épurée.
Sébastien Gnaedig a déjà raconté la faiblesse des hommes et la province lasse et perverse. Il nous invite ici dans l’intime de ce trio familial délétère, accroché au fil de la mémoire d’un homme qui vient de perdre son père. Il apprivoise la figure du papa despote, dans sa folie et sa brutalité et donne une parole au fils.
Alors, il raconte sobrement cette histoire déchirante autant que dérangeante et, entre fiction et réalité, il décortique subtilement la mécanique de cette curieuse trinité.
Il saisit le temps (la France des années De Gaulle), l’espace (un petit appartement lyonnais, sans chaleur et au confort minimal), et dessine en finesse le théâtre d’une tragédie domestique, au plus juste des émotions. Son dessin éminemment graphique sert une mise en scène habile où le drôle se dispute à la mélancolie.
Et, si Chalandon a eu douleur à écrire ce roman,là, Gnaedig semble avoir eu vif plaisir à en adapter chaque souvenir. Ainsi, il révèle toute la force imagée de cette histoire et la pudeur de Chalandon, il a su en garder le suc.
Né en 1968 à Angers, il a assuré, depuis ses études aux métiers du livre à Bordeaux, différentes fonctions dans des maisons d’édition de bande dessinée (Les Humanoïdes associés, Dupuis), toujours au plus proche des auteurs et de la fabrication de leurs titres.
En 2016, il découvre Profession du père et décide immédiatement de l’adapter lui-même.
©Alain Bujak,2022